De ces realites qui font mal a l’ame…
Il est des injustices qui semblent plus difficiles à supporter que d’autres, et des prises de conscience qui font regretter de ne pas être meilleur.
On sait sans trop comprendre pourquoi que le Laos est un peuple qui a beaucoup souffert durant la guerre du Vietnam. Certes, mais sait on à quel point cette souffrance est plus actuelle que jamais ? Je l’ai appris aujourd’hui, comme une baffe en pleine gueule et un étau autour du cœur…
Je me remémore ma première semaine au Laos et revois cette petite gamine dans la campagne me tirer la langue et ce petit gosse de 5 ans qui me pointait du doigt d’un regard menaçant sans raison apparente… Je commençais déjà à regretter le pays voisin tant amical…
Je me rappelle aussi cette femme se lavant dans la rivière en y jetant l’emballage de savon ouvert quelques secondes plus tôt et avoir pensé : « Mon Dieu, ils ne se rendent pas compte que cette pollution tue la nature à petit feu… sauf qu’ici, c’est la nature qui les tue.
Quelques faits, j’espère le plus sobrement et fidèlement retranscrits :
2 tonnes de bombes par tête (2.5 millions d’habitants) ont été déversées sur le pays durant la Guerre du Vietnam, et ce malgré le fait que le Laos ait été déclaré territoire neutre à cette même époque. Cela représente 260 millions de « bombinettes » (voir plus loin pour la description).
3 raisons à cela :
1/la piste Ho Chi Minh (qui constituait le chemin par lequel les guerriers du Nord Vietnam infiltraient et ravitaillaient les positions du Viet Cong dans le Sud Vietnam), passait par le Laos.
Même si le passage par le Laos des troupes du futur chef de la nation Vietnam se faisait en violation des accords de Genève, leur bombardement en était un lui aussi.
2/ les troupes pro communiste du Pamplet Lao menait à la même époque une guerre interne contre l’armée de… du Lao… Les Etats Unis, en vue de limiter la progression du mouvement rouge dans le Sud Est asiatique et dans le plus grand secret de l’opinion publique ont donc assisté par un appui aérien des troupes laotiennes financées par la CIA. C’était la « guerre secrète ».
3/ lorsque les missions de bombardement sur le Vietnam au départ des bases thaïlandaises ne pouvaient aboutir, les ordres étaient de larguer les bombes avant le retour au sol…pour des raisons de sécurité.
Détail sordide mais qui a son importance aujourd’hui, le mécanisme de fonctionnement des bombes dites « à fragmentation » :
Phase 1/ la bombe est larguée en haute altitude
Phase 2/ quelques secondes après le largage, la coque principale se sépare en deux et libère des centaines de « bombinettes » de la taille d’un petit ananas
Phase 3/ à l’approche du sol, un mécanisme de détonation fait exploser ces bombinettes projetant dans toutes les directions et à une vitesse proche du son des billes d’acier de la taille d’une tête d’épingle… Quiconque se trouvant dans la trajectoire est instantanément et littéralement charcuté par ces fragments de métal…
Comble du génie destructeur de l’être « supérieur », ces bombes n’avaient qu’un faible impact sur le blindage, en d’autres mots, elles étaient développées dans un but unique : liquider l’humain.
Des milliers de ces bombes n’explosèrent pas…
C’était il y a 35 ans…
Aujourd’hui, elles se trouvent enfouies dans le sol du Laos, cachées dans les arbres qui n’étaient alors que de jeunes pousses ou noyées dans les rizières.
Les coques des bombes, en métal de qualité supérieure représentant une telle source de revenu, les villageois les recherchent activement avec des moyens dérisoires pour les déterrer et les revendre à la ferraille. Si ces demi coques contiennent encore une partie de leur chargement explosif, c’est « au mieux » un membre en moins, au pire la lente agonie car faute de moyens matériels, les hôpitaux ne peuvent secourir le blessé…
Entre les deux, la mort immédiate.
Les bombinettes non explosées (entre 13 et 78 millions) quant à elles paraissent bien inoffensives aux yeux des enfants et, comme partout dans le monde, constituent une source d’amusement potentielle…la dernière pour beaucoup.
Dans les faits, de nombreuses ONG travaillent à:
- informer les villageois des dangers encourus
- former des équipes de déminage locale
- trouver et récolter les bombes
- fabriquer des prothèses
N’empêche que le sort ne laisse guère le choix aux villageois et la terre est celle qui les nourrit… le travail aux champs doit donc continuer, coûte que coûte… mais quel prix à payer.
Là où ça fait le plus mal in fine, c’est que sachant que plusieurs décennies seront nécessaires à sécuriser cette terre (lire : mon action potentielle ne sera qu’une goutte d’eau dans un océan), je n’ai même pas les couilles de faire un pas pour les aider… Ca, oui, ça me fait mal …
Alors oui, je suis un peu plus conscient aujourd’hui mais que cette conscience est lourde à porter…
Je tire tous les faits et enseignements de ma visite au centre COPE à Vientiane dans le cadre de leur expo « UXO : UneXploded Ordnance »… je vous invite à visiter leur site web : www.copelaos.org/
Le magnifique documentaire visionné s’achève par cette phrase de ce petit garçon presque en larmes : « Ces bombes ne nous appartiennent pas, je voudrais juste qu’ils les reprennent »…
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